WEHI-3773 : La molécule australienne qui défie la mort cellulaire
En un clin d’œil, la molécule WEHI-3773, découverte au Walter & Eliza Hall Institute (WEHI) de Melbourne, révolutionne notre compréhension de la mort cellulaire programmée, ou apoptose. Cette petite molécule, d’une taille d’environ 450 Da, agit comme un véritable pirate moléculaire en empêchant la protéine BAX de rejoindre la mitochondrie, tout en libérant sa « jumelle » BAK. Une double action qui ouvre des perspectives inédites pour protéger les neurones vieillissants sans bloquer totalement l’apoptose, un équilibre crucial pour lutter contre les maladies neurodégénératives comme Parkinson ou Alzheimer.
Une découverte majeure dévoilée en 2025
Publiée dans Science Advances en mars 2025, l’étude menée par les chercheurs Grant Dewson et Guillaume Lessene a identifié WEHI-3773 après un criblage minutieux de 106 572 composés. Cette molécule se distingue par son affinité nanomolaire pour VDAC2, un canal mitochondrial clé dans le processus de mort cellulaire. En bloquant spécifiquement l’interaction entre BAX et VDAC2, WEHI-3773 empêche la perforation de la membrane mitochondriale, étape fatale de l’apoptose.
Comment WEHI-3773 pirate la voie de l’apoptose
1. Bloquer la « clé » BAX : Chez l’adulte, BAX est le principal exécuteur de la mort cellulaire. WEHI-3773 se glisse sur le site d’interaction BAX-VDAC2, empêchant ainsi son recrutement vers la mitochondrie.
2. Libérer le « frein » BAK : Paradoxalement, la même fixation détache BAK de VDAC2, permettant à cette protéine de prendre le relais dans les cellules où BAX est défaillant, comme dans certains cancers.
3. Un tour de passe-passe énergétique : Cette modulation fine rappelle que VDAC2 est indispensable pour guider BAX vers la mitochondrie, tandis que BAK peut s’en passer partiellement.
Vieillissement cellulaire : l’art de ménager mort et survie
Avec l’âge, l’organisme oscille entre deux écueils : un excès d’apoptose, néfaste pour les tissus peu renouvelables comme le cerveau, et l’accumulation de cellules sénescentes, résistantes à la mort mais productrices de molécules inflammatoires. En restreignant sélectivement BAX, WEHI-3773 pourrait réduire la perte neuronale sans augmenter la charge de sénescence, puisque BAK reste disponible pour éliminer les cellules trop endommagées.
Un pont entre apoptose et sénescence
Des études antérieures montrent que la résistance à l’apoptose favorise l’entrée en sénescence. Inversement, une correction ciblée de BAX rétablit un juste seuil de mort et limite l’inflammation liée à la sénescence. WEHI-3773 pourrait ainsi devenir un outil précieux pour préserver la plasticité cérébrale et retarder le déclin cognitif.
Vers des thérapies neuroprotectrices
Parkinson : Dans les neurones dopaminergiques, BAX est le déclencheur majeur de la disparition des cellules. L’inhibition partielle par WEHI-3773 protège les cultures neuronales et les modèles murins.
Alzheimer : Les oligomères d’Aβ activent massivement BAX. WEHI-3773 reproduit l’effet protecteur des inhibiteurs de BAX tout en préservant l’élimination des neurones irrémédiablement atteints via BAK.
Défis à relever
Spécificité : Il faudra vérifier que WEHI-3773 n’inhibe pas d’autres partenaires de VDAC2, sous peine d’effets secondaires métaboliques.
Fenêtre thérapeutique : Un dosage millimétré sera crucial pour éviter de favoriser la survie de cellules précancéreuses.
Barrière hémato-encéphalique : Les premiers tests in vivo suggèrent une bonne biodisponibilité, mais la formulation devra être optimisée pour un traitement chronique.
En bref : ce qu’il faut retenir
- Cible : Interaction VDAC2-BAX/BAK, nœud stratégique de l’apoptose mitochondriale.
- Action : Bloque BAX, libère BAK ; équilibre mort/survie cellulaire.
- Intérêt : Freiner la perte neuronale liée à l’âge sans accroître la sénescence.
- Potentiel : Candidat « first-in-class » pour Parkinson, Alzheimer et certaines résistances tumorales.
La course est lancée : si les essais précliniques confirment la sécurité et l’efficacité de WEHI-3773, la prochaine décennie pourrait voir émerger la première thérapie « anti-suicide cellulaire » adaptée au cerveau vieillissant. Une avancée qui marquera l’histoire de la lutte contre les maladies neurodégénératives.